Il fait pratiquement nuit et je cours. Courir, toujours courir. Que ce soit à gauche ou à droite, courir, c’est mon quotidien. Courir pour quoi ? Des tas de choses à vrai dire. Mais surtout pour une chose plus ou moins importante, arriver à l’heure à mon travail. Comme si j’avais réellement l’habitude de suivre les directives d’un type assis sur son fauteuil, d’autant plus qu’il passe son temps à siroter un whiskey accompagné d’un cigare, et ce à longueur de journée. Non, en temps normal les choses auraient étés beaucoup plus simple. J’avais les moyens de racheter ce bar et prendre la place du patron mais puisqu’il faut se l’avouer cela est beaucoup moins drôle que de faire croire que l’on ne possède pas une fortune au-dessus de sa tête. Quoique, je ne comprends toujours pas pourquoi mes parents ne m’avait pas coupé les vivres dès mon départ de Seattle. Sûrement un élan de générosité de leur part, bien que, entre nous, ce soit impossible. Bref, en quittant Seattle pour ce qui me semblait un coin paumé au milieu du Texas, j’avais décidé de changer totalement mon mode de vie. Mon argent placé à l’abri dans plusieurs comptes, j’avais débarqué tel un type banal dans une ville banale, loin des quartiers et de l’environnement où j’avais grandi. Etonnement, j’ai trouvé un logement facilement et un travail aussi. Un travail ! Que demande le peuple ?! Sur un point pourtant je n’ai pas changé, j’adore toujours autant les femmes ! Et puis quand on est barman, on a pas mal de chance de trouver chaussure à son pied, n’est-ce pas ? Au fond, j’ai eu de la chance et la roue n’a toujours pas tourné depuis mon arrivée il y a environ un an et demi.

Je crois que j’ai failli défoncer la porte en entrant chez Manu la Bibine, mais bon au moins j’étais presque à l’heure. Ma tenue de travail mise, je me plaçais derrière le bar près à voir arriver une masse de clients débarquer. Il est presque vingt heures et c’est durant cette période-là qu’il y a le plus de monde, allant de ce qui vienne pour s’empiffrer d’une dizaine de hamburgers aux nostalgiques et puis au milieu les gens normaux. Que la fête commence !

« Prêts ? 4...3...2...1... Buvez ! » Ca mes amis c’est ce qu’on appelle l’éclate totale ! A la minute où je prononce le dernier mot, les candidats lèvent avec rapidité et dextérité leur verre et boivent jusqu’à la dernière goûte le liquide ambré qui se trouvait dans les verres. Cette fois-ci ce fut une jeune femme qui remporta la manche encore une fois, posant la première son verre sur le comptoir du bar. Quand les autres participants au jeu s'aperçurent qu'ils avaient une fois de plus perdus, une série d'exclamations indignés et de rires s'élevèrent. « Les gars, je crois que nous avons notre gagnante ! » Souriant, je regardais les autres participants se disperser l'air déconcertés avant de reporter mon attention sur la femme qui les avait, encore une fois, battu à ce petit jeu. Ce jeu qui me rappelait tellement Seattle et mes virées nocturnes dans les bars de la ville. Saisissant un torchon, je nettoyais un verre qui trainait pas là tout en adressant un sourire charmeur à la gagnante de ce soir. « Ils vont finir par vous détester si vous gagnez tout le temps. » Accompagnant ma phrase d'un clin d'oeil, je jetai un regard vers le porte qui menait tout droit au bureau du patron. Combien de fois ce sale type m'avait réprimandé pour avoir trop parler avec les clients et donc négligé mon travail. Non mais franchement, je ne fais que du relationnel entre client et barman !